Changer de discours ou changer de pratique ? l’exemple de la Carrière des Rives du Beaujolais

Lors du conseil municipal de Gleizé du 8 mars dernier, les élus étaient amenés à prononcer un avis suite à l’ouverture d’une enquête publique sur la demande d’autorisation environnementale présentée par la société SOREAL pour le renouvellement de l’autorisation d’exploiter et l’extension de la Carrière des Rives du Beaujolais située sur les communes d’Anse et Limas.

Le Maire, qui a considérablement “verdi” son discours ces derniers temps, n’a pas remis en cause ce projet. Tout juste a-t-il proposé d’émettre quelques réserves de forme. A contrario, Élise Petit a rappelé qu’on ne pouvait plus continuer à puiser sans fin dans les ressources naturelles. Si les aménagements à venir dans l’Agglo nécessitent des matériaux, c’est dans le recyclage des déchets du BTP qu’il faut aller les chercher. M. de Longevialle a eu beau tenter de caricaturer son propos, l’élue de Gleizé Renouveau a bel et bien montré la voie à suivre pour un véritable changement de pratique : l’économie circulaire. Voici son intervention en intégralité (Cf. lien vers la vidéo en bas d’article) :

Monsieur le Maire,

Nous regrettons de devoir nous prononcer sur ce projet sans connaître l’avis que les citoyens ont exprimé via l’enquête publique, et nous restons vigilant sur ce point car cela nous interroge sur le bon déroulement de la démocratie à l’échelle locale.

Cependant, nous savons que si nous ne nous prononçons pas durant le délai réglementaire, le dossier sera considéré comme approuvé sans remarques. Or, des remarques, nous en avons beaucoup à vous soumettre.

Ce projet d’extension de la carrière des Rives du Beaujolais nous est présenté comme une réponse à une nécessité économique (produire davantage de granulats) qui se doublerait d’une opportunité écologique (accueillir davantage de matériaux inertes utilisés pour restaurer des plans d’eau et des prairies humides), le tout dans un cadre sécurisé et respectueux des riverains du site.

Cette vision idyllique nous paraît contestable à tous points de vue :

  • Sur le plan économique, nous ne nions pas la nécessité de relancer l’économie locale et de créer des emplois sur notre territoire. Mais nous considérons que cette relance ne peut plus se faire dans une logique de croissance sans fin. Le groupe Plattard a développé une activité de recyclage au travers de sa plateforme Ancycla, qui pourrait être développée de manière beaucoup plus importante pour nourrir une véritable économie circulaire. C’est d’ailleurs le sens de l’avis de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale Auvergne-Rhône-Alpes, qui indique clairement que « l’analyse de l’activité de production de granulats recyclés […] mériterait d’être développée. » et que des « documents de cadrage récents […] prévoient en effet de développer la substitution des alluvions par [des] matériaux recyclés issus de déchets du BTP ».
  • Sur le plan environnemental, la société Plattard prévoit toute une série de mesures compensatoires destinées à réintroduire de la biodiversité sur le site. Mais la logique consistant à détruire pour reconstruire nous semble bien moins vertueuse que celle qui consiste à préserver les espaces de biodiversité. Le Conseil National de la Protection de la Nature précise d’ailleurs dans son avis, que « les mesures de gestion suggérées dans les mesures compensatoires s’insèrent davantage dans la restauration et le réaménagement des milieux exploités par la carrière dans plusieurs années, que de réelles mesures de compensation qui devraient être mises en œuvre dans l’immédiat. »

Monsieur le Maire, savez-vous que plus de 40% des espèces d’insectes sont menacées d’extinction ? L’une des principales causes de ce déclin est la perturbation des habitats. Les insectes sont la base de la chaîne alimentaire de milliers d’espèces animales et de l’homme par la même occasion, et on semble l’oublier complètement.

De plus, si la majorité des granulats seront transportés par voie fluviale, ce projet générera également une importante augmentation du trafic des poids-lourds – on évoque 50 camions par jours – ce qui ne sera pas sans conséquence en termes de nuisances mais aussi d’émissions de gaz à effet de serre, comme le souligne là encore l’avis de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale Auvergne-Rhône-Alpes, qui rappelle « qu’aucune donnée sur la répartition modale (routier –fluvial) de l’expédition des matériaux traités ne figure dans le dossier ».

  • Sur le plan démocratique enfin, les riverains du site semblent être quelque peu oubliés dans ce projet. L’information qui leur a été communiquée leur a semblé insuffisante et peu transparente, notamment en ce qui concerne les nuisances qu’ils auront à subir. D’autant que la Mission Régionale d’Autorité Environnementale Auvergne-Rhône-Alpes précise bien que « la sensibilité en termes de nuisances pour les riverains est à juste titre considérée comme forte ». Ce manque de transparence a motivé la mobilisation de l’association des Amis de la Saône et du Bordelan, dont la presse locale s’est faite l’écho.

En résumé, le projet d’extension de la Carrière des Rives du Beaujolais nous paraît s’inscrire dans une logique dépassée, parfaitement contradictoire avec les impératifs liés à la transition énergétique et à la préservation de la biodiversité, et peu respectueuse des populations. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette délibération.

A voir aussi sur le chaine Youtube de la commune, à 1:52:40