Intervention d’Emmnuel Dupit, élu Gleizé Renouveau, concernant la délibération 2.1 sur la mise en compatibilité du PLUh et soumise au vote du conseil communautaire du 22 septembre 2022
Monsieur le Vice-Président,
La déclaration de projet que vous nous demandez d’approuver ce soir nous est soumise alors que se déroulent dans toute l’agglomération les semaines du développement durable. Cette coïncidence pourrait passer pour une ironie du sort, mais elle nous semble en réalité révélatrice de votre vision de l’avenir, dont il va sans dire que nous ne la partageons pas. En effet, l’évolution de plus en plus alarmante de la situation climatique a relégué la notion de développement durable au second plan dans le discours public, au profit de celle d’urgence écologique. L’impérieuse nécessité de réduire notre empreinte carbone s’impose à tous comme une évidence.
Or le projet porté par le groupe Plattard nous semble parfaitement contraire à cet objectif. En effet, ce projet est justifié par la mise en évidence de besoins en granulats destinés à la production de béton, matériau dont on connaît l’impact majeur sur l’empreinte carbone du bâtiment (8 % des émissions mondiales de CO2 résultent de cette fabrication). Mais le dossier dont nous disposons ne précise à aucun moment sur quelle base sont calculés ces besoins en granulats. Pire encore, ces chiffres n’intègrent aucun objectif de diminution de la production dans une perspective de transition énergétique, puisque l’autorisation d’exploitation est prévue pour 30 ans, à un rythme d’extraction annuel moyen constant !
Le groupe Plattard ne semble donc pas avoir anticipé les mutations économiques nécessaires dans un avenir proche, et encore moins planifié la réorientation de ses activités vers la production de matériaux moins impactants ou issus du recyclage. Des opportunités existent pourtant avec la plateforme Ancycla, propriété du même groupe.
Par ailleurs, ce projet entre en contradiction avec un certain nombre d’engagements pris par la CAVBS en matière environnementale. C’est notamment vrai en ce qui concerne le PCAET adopté en janvier 2020, dont je voudrais citer quelques axes majeurs :
- Axe 1 – Soutenir l’amélioration de la performance énergétique des logements et locaux tertiaires et la consommation d’énergies renouvelables intégrées au bâti
- Axe 2 – Renforcer l’éco-exemplarité de l’Agglo et de ses communes membre
- Axe 4 – Exploiter les compétences de planificateur pour des activités économiques et bâtiments industriels performants
- Axe 5 – Écrire un PLUi ambitieux pour soutenir la transition énergétique du territoire
Le projet d’extension de la carrière des Rives du Beaujolais contredit les axes 1, 2 et 4 puisqu’il ne favorise pas la réduction de l’utilisation du béton dans le BTP, alors que l’Agglo est un acteur majeur de l’aménagement du territoire ; il contredit également l’axe 5, puisqu’il aboutira à entériner dans le nouveau PLUiH la localisation d’activités qui vont à l’encontre de la transition énergétique.
On peut d’ailleurs s’étonner que ce projet emportant modification du PLUiH actuel, et notamment de son PADD, nous soit soumis au moment où nous élaborons les nouveaux documents d’urbanisme. On nous demande donc d’adapter dans un sens moins restrictif des documents vieux de plus de 10 ans, dont les ambitions en matière environnementale sont par définition inadaptées à l’ampleur du défi climatique actuel ! N’aurait-il pas été plus raisonnable de surseoir à ce projet, dans l’attente de la formalisation des nouveaux PLUiH et SCoT, plutôt que de nous soumettre aujourd’hui ce dossier qui semble avoir été rédigé dans la précipitation, comme en attestent les nombreuses approximations qu’il comporte (il est notamment question à plusieurs reprises du projet sur la commune d’Arnas, à moins qu’il ne s’agisse d’un lapsus révélateur) ?
La mise en œuvre de ce projet représenterait également une formidable occasion manquée de maintenir et d’accentuer une « proximité entre espaces urbains et agricoles […] afin de permettre un rapprochement entre lieux de production et de consommation », dans un contexte où « le caractère agricole de la commune [de Limas] s’est fortement réduit au fil des années », notamment sous l’effet de la création de carrières, comme on peut le lire de façon assez paradoxale dans le dossier justifiant de l’intérêt général du projet. Un peu partout en France, d’autres collectivités ont fait le choix de sanctuariser des terres agricoles, dans le but de développer des filières d’approvisionnement local, le plus souvent en agriculture biologique, choix d’économie circulaire qui nous paraît bien plus vertueux que celui consistant à développer la filière béton.
Pour toutes ces raisons, nous contestons votre conclusion selon laquelle « Le projet de MEC du PLUiH permet donc de répondre fortement à la prise en compte de la diminution de CO2 », car cette diminution passe d’abord par des objectifs de réduction de l’utilisation de matériaux fortement carbonés comme le béton !
Je voudrais conclure cette intervention par un propos plus personnel, une fois n’est pas coutume. Il y a quelques jours, mon fils de 19 ans me disait à propos de la situation environnementale : « De toute façon, pour notre génération, c’est foutu ». Le pessimisme et le fatalisme de cette réflexion m’ont fait froid dans le dos, et j’aimerais pouvoir lui donner tort. Mais je réalise ce soir que si nous votons ce projet, au moment où s’achèvera l’exploitation de la carrière des Rives du Beaujolais, il aura quasiment atteint l’âge qui est le mien aujourd’hui, et je refuse de me résoudre à ce sa génération en soit encore à cette date là, à l’âge du béton !
C’est pourquoi, avec Danielle Lebail et Vassili Lici, je voterai contre ce projet.
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