Alors que par deux fois, quelques jours avant les élections municipales de 2014 et de 2020, la CANOL, association de contribuables lyonnais, désignait Gleizé comme l’une des communes les mieux gérées du Rhône, apportant ainsi un sérieux coup de pouce à la majorité sortante, voici qu’aujourd’hui la Chambre régionale des comptes Auvergne Rhône-Alpes donne un tout autre avis, et pointe dans son rapport d’audit de nombreuses défaillances dans la gestion de la commune (à lire ici le rapport complet et là la synthèse). Alors comment expliquer une telle différence d’appréciation ?
Pour comprendre cela, il faut remonter aux années Lamure, qui fut maire de Gleizé de 1989 à 2015. Sous sa gouvernance, une part très significative du budget de fonctionnement était reversée au budget d’investissement. Ce choix était justifié par le fait qu’il permettait de maintenir un faible taux d’imposition et de réduire le recours à l’emprunt. L’encours de la dette par habitant en 2014 était de 68€, contre 870€ dans les communes de même taille, et le taux de la taxe d’habitation était de 9,8%, contre 14,5% en moyenne dans les communes comparables. Voilà pourquoi la CANOL applaudissait des deux mains. Mais à y regarder de plus près, ce choix politique est en fait particulièrement contestable.
D’abord, parce que n’importe quel gestionnaire vous dira que financer des projets de long terme (l’investissement) avec de l’argent de court terme (le fonctionnement) n’est pas une bonne pratique en soi, surtout durant toutes ces années où les taux d’intérêts étaient extrêmement faibles, voire négatifs ! Autrement dit, un « bon père de famille » n’économise pas sur le goûter de ses enfants pour acheter une voiture.
Ensuite, parce le budget de fonctionnement ainsi ponctionné ne permettait pas la mise en place de certains services rendus à la population, notamment ceux qui auraient permis une véritable politique sociale en direction des familles les plus modestes. Mme Lamure se justifiait en insistant sur le fait que Gleizé, faute d’activités économiques sur son territoire, était particulièrement « pauvre ». Mais pendant toutes ces années qu’elle était maire, la commune a perdu 10% de sa population, ce qui réduisait d’autant la base de calcul des dotations de l’Etat.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, ces économies drastiques effectuées sur le fonctionnement se faisaient aussi au détriment du recrutement de personnels qualifiés. D’où cette critique sévère formulée par la Chambre régionale des comptes : « en définitive, la commune affiche une faible maturité administrative qui a des conséquences importantes sur la qualité de sa gestion et conduit à des irrégularités qu’elle doit impérativement corriger ». A tout vouloir contrôler elle-même, et malgré la bonne volonté de son directeur général des services d’alors, Mme Lamure a commis de nombreuses erreurs. Et lorsque M. de Longevialle, son premier adjoint, prendra sa suite en 2015, il poursuivra sur la même lancée.
Depuis la fin des années 2000, les élus de l’opposition ont réclamé en vain plus de transparence, la fin des transferts massifs du fonctionnement vers l’investissement, le recours raisonné à l’emprunt, ou pourquoi pas une petite augmentation des impôts locaux. A chaque fois, la majorité écartait ces propositions, avec le ton méprisant dont elle est coutumière. Lors de la campagne de 2020, notre colistier Sébastien Ollier* avait bien décrit la situation dans un article intitulé « Stop à l’hémorragie budgétaire pour financer l’investissement » (à lire ici, en 2e partie de la publication), et dans lequel il évoquait une « erreur manifeste de gestion et une mauvaise allocation des ressources versées par l’État ».
Ces deux dernières années, malgré l’absence persistante d’un programme pluriannuel d’investissement présenté en conseil municipal (problème également soulevé la Chambre régionale des comptes), on peut noter un infléchissement positif de la politique budgétaire menée par M. de Longevialle. Il faut dire que le financement des infrastructures nécessaires à l’accueil de 33% d’habitants supplémentaires sur la durée de son mandat (sic !) l’oblige à trouver de nouvelles marges de manœuvre. Par ailleurs, le recrutement récent d’un directeur financier et d’un responsable de la commande publique devrait permettre à la municipalité d’en finir avec une certaine forme d’amateurisme. C’est une bonne chose pour la commune.
Mais à vouloir justifier les pratiques du passé comme étant non pas la résultante d’une « faible maturité » mais simplement de « faibles moyens » disponibles, comme il l’a fait en conseil municipal le 5 juin dernier, M. de Longevialle fait mine d’oublier que la politique est avant tout une affaire de choix, et que ces choix, il faut les assumer. En ce sens, la Chambre régionale des comptes remet les pendules à l’heure. Et les 11 recommandations de son rapport d’audit, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement, nous paraissent comme autant de balises sur le chemin que doit emprunter sans tarder l’exécutif municipal.
Alain Gay, conseiller municipal d’opposition depuis 2008
* depuis, M. Ollier a quitté le groupe Gleizé Renouveau pour rejoindre le groupe qui se dit « indépendant », mais qui vote sans aucune réserve tous les budgets proposés par la majorité…