Pour une vision globale de notre territoire dans les décennies à venir

Intervention d’Emmanuel Dupit au Conseil communautaire du 24 mars 2022, lors du débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables (PADD)

Monsieur le Président,

Le débat qui s’ouvre marque le début d’une séquence particulièrement importante pour notre Agglo. En effet, au travers du PADD, première étape de l’élaboration du PLUi-H, c’est l’avenir de notre territoire et son modèle de développement qu’il s’agit de dessiner pour les années à venir, ceci dans un contexte d’urgence climatique, aggravé par une crise géopolitique dont les conséquences se font d’ores et déjà sentir localement. Notre modèle de développement doit donc répondre en priorité à ces défis, tout en tenant compte de particularités géographiques et démographiques, liées notamment à la proximité de la métropole lyonnaise.

A cet égard, les grandes orientations que vous nous proposez nous paraissent pertinentes, et nous approuvons en particulier la volonté de faire de la transition écologique l’un des piliers de l’aménagement et du développement de l’Agglo. Cependant, un aspect important de votre stratégie nous interroge, et nous souhaiterions donc nourrir le débat sur ce point, mais aussi contribuer à enrichir ce projet par un certain nombre de suggestions sur d’autres points.

 

Le sujet essentiel que nous souhaiterions soumettre au débat est celui de la croissance du rythme de construction des logements sur notre territoire, en même temps que celui de sa répartition. En effet, si nous souscrivons à l’objectif de maîtrise de la croissance démographique de l’Agglo, nous nous interrogeons sur la stratégie sous-tendue par cet objectif, et surtout sur les priorités que vous souhaitez mettre en avant pour notre territoire. Nous souhaitons en particulier attirer votre attention sur l’importance de satisfaire en priorité les besoins de logement des habitants de l’Agglo, en particulier des plus précaires, par la reconstitution du parc de logements sociaux, et sur l’urgence qu’il y a à mener une politique volontariste de lutte contre l’habitat indigne.

Par ailleurs, nous voulons rappeler que l’attractivité de la CAVBS, en particulier pour les ménages venus de la métropole, doit impérativement être accompagnée et se concrétiser par la création d’emplois, d’équipements, notamment dans le domaine des mobilités, et de services publics qui permettront à ces nouveaux arrivants de construire un véritable projet de vie sur notre territoire. Or un rapide coup d’œil dans le rétroviseur permet de constater un réel manque de dynamisme de ce point de vue : fermeture de la maison de l’emploi et de la formation, départ d’entreprises historiques comme Blédina… Quant à la question des mobilités, le constat que dresse l’exécutif quant à la saturation des axes routiers et à l’impossibilité de « mettre un bus devant chaque porte » n’incite pas à l’optimisme…

Enfin, votre volonté de renforcer la centralité et de préserver les communes rurales dans la gestion de la croissance démographique pose un certain nombre de questions :

  • votre politique de préservation de l’identité des petites villes et villages du Beaujolais ne risque-t-elle pas d’aboutir à une logique de repli sur soi des communes de l’ouest de notre territoire, entraînant à terme le renforcement d’une logique de ségrégation socio-spatiale et une perte de dynamisme de ces communes, avec pour corollaire un déclin accru des services publics (écoles) et de proximité (commerces) ?
  • a contrario, l’idée d’une densification du tissu urbain de la centralité ne devrait-elle pas s’accompagner d’une politique très volontariste de végétalisation et de préservation des espaces verts, dans un contexte de réchauffement climatique entraînant une fréquence accrue des épisodes caniculaires ? Par ailleurs, cette densification nécessite pour être menée à bien de s’appuyer sur un ensemble de leviers d’action, y compris les outils fiscaux dont dispose notre collectivité (Taxe d’Aménagement, Taxe sur les Friches Commerciales, Taxe sur les surfaces Commerciales).
  • enfin, quelle est votre vision de la transition et de la synergie entre espaces ruraux et centralité urbaine, et en particulier de l’avenir des hameaux, qui sont un maillon important pour certaines de nos communes (Gleizé, Arnas) ? Seront-ils les laissés pour compte du renforcement des centralités villageoises, ou ne serait-il pas opportun au contraire de favoriser l’implantation dans ces hameaux de commerces de proximité permettant de limiter les déplacements de leurs habitants, en particulier les moins mobiles (aînés, personnes en situation de précarité ou de handicap…) ?

Deux autres sujets nous semblent également majeurs pour réussir à engager l’Agglo dans la voie d’une transition vers un modèle plus vertueux :

  • celui de la stratégie en matière énergétique : votre politique d’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et votre volonté de soutenir la production énergétique locale vont dans le bon sens, mais cette dernière gagnerait à inclure une réflexion sur la mobilisation de la filière bois, ainsi que du potentiel lié à la méthanisation, pour diversifier et relocaliser notre mix énergétique. De même, nous souhaitons mettre en garde contre toute approche dogmatique en matière d’énergie photovoltaïque et éolienne, qui nous priverait également de ressources renouvelables indispensables à cette diversification et à cette relocalisation.
  • le sujet de la souveraineté alimentaire est également capital, comme l’a rappelé un intervenant lors de la réunion publique du 15 mars dernier. Il doit être traité avec volontarisme, en préservant et sanctuarisant des terres agricoles autour de la centralité urbaine, y compris des friches viticoles, mais aussi en intégrant une véritable réflexion autour de l’agriculture urbaine, comme cela a été fait avec la pépinière de Belleroche, mais à une toute autre échelle. La réponse au défi de la souveraineté alimentaire est aussi liée à la question de la lutte contre l’artificialisation, et passe donc par une réflexion sur les possibilités de renaturation d’un certain nombre de friches urbaines. Enfin, cette réponse passe évidemment aussi par une politique active de soutien à la filière agricole et viticole bio, aspect auquel votre projet ne fait malheureusement aucune référence…

Pour conclure, nous souhaiterions que les orientations définies dans le PADD soient intégrées dans une vision plus globale de ce que doit être notre territoire dans les décennies à venir, et de la nécessaire transition dans laquelle il doit s’engager. Car en matière de stratégie de développement, comme dans d’autres domaines, ce n’est pas de pragmatisme dont notre territoire a besoin, mais d’un véritable projet politique pour dessiner son avenir. Nous serons également attentifs à ce que ces orientations générales, auxquelles nous renouvelons notre approbation, se traduisent effectivement dans le futur PLUi-H. Nous demandons enfin à ce que l’élaboration de ce dernier se fasse dans la plus grande transparence, et avec la participation des citoyens, qui sont les premiers concernés par l’avenir de leur territoire, ce qui nécessite a minima l’organisation de réunions publiques, voire d’ateliers de réflexion dans chacune de nos 18 communes.