ZAC de Belleroche : construire l’avenir avec les habitants

Interventions d’Emmanuel Dupit, élu d’opposition Gleizé Renouveau, lors de l’examen en Conseil municipal (3 juillet) et en Conseil communautaire (5 juillet) du projet de création d’un Zone d’Aménagement Concertée (ZAC) à Belleroche.

NB : cet article est enrichi de nombreux liens vers des définitions ou vers des articles que nous avons publiés sur le sujet.

Monsieur le Maire / Madame la Vice-Présidente

La rénovation urbaine du quartier de Belleroche est un projet phare au sein de notre agglomération, dont la conception a démarré depuis de nombreuses années. L’épaisseur du dossier qui nous a été soumis montre qu’un travail conséquent de réflexion a été mené sur ce projet dans tous ses aspects. On peut souligner en particulier que les scénarii en termes de mobilités ont fait l’objet d’études précises et détaillées.

De même, on peut saluer la décision de passer par la création d’une ZAC pour mener à bien ce chantier. Encore faut-il que l’acronyme de ce type de structure prenne tout son sens, et c’est là que le bât blesse, car la concertation nécessaire à l’aménagement de cette zone n’a pas été la hauteur de ce qui aurait été nécessaire. En effet, les modalités prévues ont été trop minimalistes pour permettre une vraie prise en compte de la parole des habitants (les 2 demi-journées de permanence technique paraissent bien insuffisantes) ; de plus ces modalités n’ont pas été annoncées de façon suffisamment claire : les afficher au siège de l’Agglo, des mairies et de l’OPAC n’est pas pertinent pour des populations enclavées et peu mobiles. Si l’on ajoute à cela un fonctionnement a minima du Conseil citoyen, au sein duquel les représentants des associations d’habitants se plaignent de l’absence d’interlocuteurs institutionnels, mais aussi et surtout le fait que la Maison du projet n’est toujours pas opérationnelle, en contravention des obligations légales, force est de constater que la parole des principaux concernés n’est pas suffisamment pris en compte.

Sur le fond de ce dossier, quatre aspects ont retenu notre attention, et je voudrais débuter par la question environnementale, puisque le projet ambitionne l’obtention du label écoquartier, un label dont les modalités d’attribution évoluent d’ailleurs à compter de cette année, et nous aimerions pouvoir être certains que ces évolutions ont bien été prises en compte… On regrettera d’autant plus qu’aucun objectif environnemental ne soit mentionné dans l’introduction du dossier de création de la ZAC. Globalement, celui-ci comporte beaucoup de déclarations de principes sur la stratégie en matière de transition écologique, mais il manque d’éléments concrets sur des aspects essentiels concernant l’atteinte d’objectifs ambitieux, comme le souligne dans son avis la MRAE :

  • sur la gestion des déchets, on s’étonne que l’étude d’impact prévoit une stagnation de leur production, et on se demande quels équipements de tri mieux adaptés sont prévus, comme demandé par les habitants dans le cadre de la concertation. La réponse reste très évasive, et ce ne sont pas les composteurs prévus sur le site du jardin partagé qui suffiront pour répondre aux nouvelles normes en matière de tri des biodéchets.
  • sur la question énergétique, il est aussi fait mention dans l’étude d’impact d’une consommation qui aurait tendance à stagner, alors qu’il s’agirait de la faire diminuer… Quelle « utilisation des ressources naturelles du site telles que le solaire » (p. 22 de la partie 2 de l’étude d’impact) est prévue pour réduire l’émission de GES (« l’objectif de la CAVBS est de parvenir à couvrir plus de 70% des consommations énergétiques du territoire à horizon 2050 par des énergies renouvelables »), en termes quantitatifs ? On ne le saura pas, d’autant qu’aucune réponse à la question de la PPVE sur l’installation d’ombrières solaires n’est apportée. Enfin, aucun calendrier, même indicatif, n’est évoqué pour le projet « Belleroche 100 % EnR et R ».

On regrettera enfin que le projet ne prenne pas appui sur les initiatives déjà existantes dans le quartier, notamment en matière de lutte contre les dépôts sauvages de déchets, car il y a des habitants qui se mobilisent sur cette question, et se sentent souvent bien seuls.

Le second point concerne les services publics, dont le déficit criant dans ce quartier est souligné dans le dossier, comme il est dénoncé depuis des années par les collectifs d’habitants. Là encore, le flou semble régner, et les concepteurs du dossier se paient de mots en évoquant une « offre de services publics particulièrement riche, innovante » (p. 16 de la partie 1 de l’étude d’impact). En effet, là encore, aucune réponse n’est apportée à la question de la PPVE sur le type de services prévus dans le nouveau centre administratif.

Dans ce domaine, un sujet de préoccupation majeur est celui de l’offre scolaire. Nous voudrions attirer votre attention sur les risques liés à la concentration des enfants issus de deux écoles dans un même groupe scolaire : 21 classes sont évoquées, soit 600 enfants (et même 720 selon les prévisions de l’étude sur les mobilités fournie en annexe), c’est l’équivalent d’un collège ! Ce type de projet n’est pas de nature à favoriser une bonne prise en compte des besoins pédagogiques et éducatifs d’enfants de 3 à 11 ans. Il pose aussi la question de la carte scolaire, outil nécessaire à l’atteinte des objectifs de mixité sociale, mis en avant dans les axes fondamentaux du projet de renouvellement urbain. Il est vrai que le gigantisme scolaire semble à la mode pour ce quartier, si l’on ajoute la création prévue d’un second collège dans la cour de l’actuel établissement Maurice Utrillo (décision qui ne relève pas de la compétence de la région comme l’affirme la réponse à la PPVE !)

La question de l’offre commerciale est un troisième point important de ce dossier. Le nouveau centre commercial prévu en remplacement de l’actuel semble sous-dimensionné : 5 à 6 cellules seulement, soit moins que l’existant, pour une surface commerciale quasiment divisée par 4, ce qui interroge sur la diversification des usages du quartier, autre axe fort du projet. On ne peut également que regretter que la proposition de mise en place d’un marché forain n’ait pas été retenue, d’autant qu’il s’agit aussi d’un lieu de convivialité et de vivre ensemble, sans parler de l’opportunité qu’il peut fournir de mettre en relation les consommateurs avec les producteurs locaux ! Enfin, le sujet de l’aide à l’installation de commerçants dans le quartier est balayée de façon assez abrupte dans la réponse à la question posée par la PPVE.

Concernant la question des mobilités, le projet semble plus abouti comme je l’ai dit en préambule, néanmoins il reste fortement dépendant de plusieurs documents de planification à l’échelle de l’Agglo qui n’ont pas encore vu le jour, ce qui ne facilite pas la prospective et encore moins la mise en place de nouvelles habitudes pourtant indispensables à une transition nécessaire et urgente.

Au final, on nous demande de nous prononcer sur un projet dont l’état d’avancement est très inégal, et dont sont cruellement absents les principaux intéressés, à savoir les habitants du quartier de Belleroche. Des habitants que l’on ne peut pourtant pas réduire à des individus passifs, qui subiraient leur quartier aujourd’hui comme demain.

D’abord parce que certains d’entre eux alertent depuis longtemps sur la dégradation de leur cadre de vie (pannes d’ascenseur, aires de jeux inadaptées…), et j’ai eu l’occasion de relayer ces inquiétudes à plusieurs reprises sans résultat probant.

Mais aussi et surtout parce qu’ils vivent concrètement les dommages collatéraux de ce projet de rénovation, comme l’illustrent plusieurs exemples :

L’actualité tragique de ces derniers jours doit aussi nous amener à réfléchir à nos pratiques en tant que décideurs : se rassembler devant les mairies comme cela a été fait avant-hier est certes un geste fort, mais il ne doit pas nous exonérer d’une remise en question de nos façons de penser et d’agir. Combien faudra-t-il encore de drames pour nous faire comprendre que la priorité en matière de politique de la ville, et notamment de renouvellement urbain, est de prendre réellement en compte l’avis et la vie des premiers concernés, leurs problématiques, leurs besoins, leurs attentes et aussi parfois leur désespoir, afin de construire avec eux des solutions d’avenir ?