Nous publions la réaction d’Emmanuel Dupit suite au comportement problématique des élus de la majorité lors du Conseil communautaire du 18 décembre dernier. Un lien en fin de page vous permettra de visionner l’enregistrement de la séquence en question.
Lettre ouverte aux élus de la Communauté d’Agglomération Villefranche Beaujolais Saône et à son Président
Lors du conseil communautaire du 18 décembre 2024, une prise de parole de ma collègue Michèle Montagnier a suscité votre colère, Monsieur le Président, au point que vous lui avez coupé la parole alors qu’elle vous répondait, l’empêchant ainsi de s’exprimer ; elle a également entraîné les protestations de nombre d’entre vous, Mesdames et Messieurs les élus, sous forme d’un brouhaha durant son intervention, au sein duquel j’ai notamment entendu les termes suivants : « Ça suffit maintenant ! ».
Quel était le sujet de cette prise de parole si controversée ? Il s’agissait du rapport de situation en matière d’égalité femmes-hommes.
Qu’a bien pu dire Michèle Montagnier pour provoquer une telle bronca ? Elle a critiqué le manque de précision du rapport au regard d’une problématique nationale, interrogé sur les mesures concrètes prises par l’Agglo, et esquissé un certain nombre de pistes d’amélioration.
Y avait-il là matière à sortir de ses gonds ? Je ne le pense pas, et j’aurais préféré que cette réprobation générale s’exprime sur d’autres sujets, comme celui des risques liés aux pollutions industrielles. Mais quand Michèle Montagnier ou moi-même exprimons notre indignation face aux pratiques de certaines entreprises en la matière, nous n’entendons aucune protestation se joindre à la nôtre.
Le visionnage en ligne de l’intervention de ma collègue lors de ce conseil communautaire, et des réactions qui s’en sont suivies, m’a conforté dans l’idée que celles-ci relevaient au mieux d’un manque d’attention aux propos qui ont été les siens, au pire d’un amalgame de bien mauvaise foi entre son analyse et une hypothétique mise en accusation de notre collectivité.
Car le terme qui a mis le feu aux poudres est celui de « domination ». Or l’utilisation de ce mot ne visait en aucun cas à qualifier la situation au sein de notre collectivité, mais à décrire une situation sociale, pour nous amener à nous interroger sur les politiques que nous mettons en place, et à les rendre plus efficaces. Ce mot est-il « outrancier », comme l’a suggéré le premier Vice-Président, en charge des ressources humaines, et donc de la présentation de ce rapport ? Là encore je ne le pense pas, en ayant à l’esprit que plus de cinquante ans après l’adoption de la première loi sur le sujet, l’égalité salariale entre femmes et hommes n’est toujours pas une réalité dans notre pays, et qu’en cette fin d’année 2024, le décompte macabre des femmes mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint atteint le nombre de 128, soit plus d’une femme tous les trois jours.
La démarche de Michèle Montagnier visait à nous faire réfléchir collectivement sur nos pratiques, et en tant qu’homme, je la trouve salutaire. Se remettre en question, analyser la société pour la faire évoluer vers plus de justice et d’égalité, c’est me semble-t-il la définition même du progressisme, un terme dont on se gargarise beaucoup sans toujours en adopter la ligne de conduite. C’est une démarche politique certes, mais nous sommes des élus, et notre rôle est de porter une vision de la société, y compris, et peut-être même surtout, au cœur des actions que nous menons localement, sur notre territoire.
Je n’ai pas fait autre chose, lors de ce même conseil communautaire, lorsque j’ai critiqué le manque d’ambition du Schéma Directeur des Énergies, ou lorsque j’ai exprimé notre opposition à l’augmentation trop élevée des tarifs de l’eau pour les plus petits consommateurs, et pourtant, cela n’a suscité aucune réaction ulcérée dans l’assistance. Alors d’où vient réellement le problème ?
Pour répondre à cette question, il faut regarder dans le rétroviseur, car ça n’est pas la première fois que ce genre d’incident émaille les séances de notre assemblée, d’ordinaire plutôt calmes, pour ne pas dire ronronnantes. Or ces incidents se sont produits autour de deux sujets principaux : celui de l’égalité femmes-hommes donc, et celui de l’agriculture et de la viticulture, ou plus précisément de l’utilisation de produits phytosanitaires, et de ses conséquences sur la santé. Ces deux sujets ont en commun d’interroger des certitudes acquises, et de bousculer des pratiques établies. Et si j’admets que ces remises en question peuvent être déstabilisantes, elles n’en sont pas moins légitimes que l’attitude qui consiste à considérer que rien ne doit changer « parce qu’on a toujours fait comme ça », ce qui est la définition même du conservatisme.
En tout état de cause, disqualifier une élue parce que son discours dérange ne contribue pas à donner du débat public une image positive. Il s’agit même d’une attitude bien peu républicaine et démocratique, car l’expression des points de vue, pour peu qu’ils respectent les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui nous unissent, et leur confrontation dans le respect des personnes, sont le cœur de la démocratie locale, et de la fonction pour laquelle nous avons, toutes et tous, été élus.
C’est pourquoi, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les élus, je forme le vœu que nos prochains échanges puissent se dérouler de manière apaisée et respectueuse de chacune et de chacun.
Recevez mes salutations républicaines.
Emmanuel Dupit, conseiller municipal de Gleizé et conseiller communautaire